Sur un ciel bleu comme un papier d’écolier, Il y a un arbre aux cinq doigts prosternés vers le ciel comme une main qui prie. Cette main crie et joue quant le vent est sonore. On dirait un appel, un appel au secours, elle se lamente, elle veut dire quelque chose mais personne entend ce qu’un arbre dit. « Je ne suis pas une fleur qui a des piquants aiguisés, ni un oiseau à la voix douce et craintive. Pourtant que faire avec mes cinq branches qui vont droit au ciel, qui connaissent le soleil et la caresse rude des vents. Ma main ne connait pas grand-chose ».
11 05 • Fernand Deligny — Quelque chose comme ça…L’homme est un coup d’œil créateur de la nature se retournant sur elle-même.
A. W. Schlegel, Idées
04 05 • Miscellanée« Ce travail que largement, en gros, on peut appeler paysan, c’est-à-dire de collaboration avec la nature (et l’artisanat est un travail paysan) »
Jean Giono, Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix
02 05 • Ecomusée, Cuzals«La première curiosité soulevée par son étude, est l’absence de fonction déterminée du bâton. La polyvalence des emplois dont il s’enrichit à force d’être manié le rend insaisissable et il échappe à toute classification par l’usage tant il offre de possibilités. Désinvolte, il est pourtant dépendant de sa mise en action sans laquelle il reste branche inerte, objet mort. L’étude du bâton fait résonner tout particulièrement les mots de Victor Papanek: «Les hommes sont tous designers. […] La préparation et le modelage de toute action en vue d’une fin désirée et prévisible: tel est le processus du design.» Le bâton en tant que forme ouverte à de multiples mises en actions, semble être le degré zéro du design. Il est objet d’intuition, dont l’affordance ne suggère que la prise en main. Il s’efface dans le geste et épouse nos usages dans leur singularité.»
19 04 • Artefact 1«Un dialogue s’établit entre l’objet et son utilisateur. Le bâton livre ses affordances à son porteur qui use de ses potentialités pour l’activer. Alors que le bâton agit en soutien du geste et fait évoluer l’usager, il se développe à son tour. Il est alors matière plastique et malléable dont les qualités sont maîtrisées par les hommes. En même temps qu’il devient matériau à transformer, il acquiert sa forme dans le langage. Le bâton cesse de n’être désigné que par une série de verbes, et de nouvelles catégories apparaissent. Aux catégories d’action s’ajoutent des catégories formelles et matérielles. C’est ainsi que depuis leur étymologie, les perches, baguettes, règles, crosses et béquilles sont respectivement des bâtons longs, minces, droits, crochus et avec un bec, tandis que les cannes et les calames doivent leur nom au roseau dans lequel ils sont taillés. En manipulant sa forme et sa matérialité, l’homme échange le bâton contre une profusion d’objets spécialisés.»
30 04 • Sites d'extraction et d'enfouissement à Thédirac, Crayssac et Saint-Denis-CatusD’une région à l’autre, d’une ville, d'un village, d’un quartier à l’autre, les matériaux architecturaux varient influencés par l’héritage géologique. Dans le Finistère, l’association du granit, de l’ardoise et du lait de chaux donne lieu à une harmonie de gris et de blancs ; le tuffeau et les ardoises prédominent dans la vallée de la Loire ; le grès rose est le matériau principal des monuments et des centres historiques en Alsace ; les blocs de silex sont présents dans les constructions traditionnelles de la Haute-Normandie ; les briques brunes caractérisent les façades des rues lilloises et les rosées celles des toulousaines.
Ces observations ont conduit les coloristes Dominique et Jean-Philippe Lenclos à développer à partir des années 1970 une méthode d’analyse de l’architecture à travers une géographie de la couleur. Celle-ci consiste à déceler les particularités chromatiques des habitations traditionnelles en fonction des régions, à travers l’harmonie naturelle qu’elles entretiennent avec les paysages environnants définie sous le concept d’homochromie.
Ce que l’on a, doux euphémisme, appelé « modernisation de l’agriculture » a en fait correspondu à l’expansion de la société industrielle, puis de services, puis technoscientifique, et à la mise en œuvre concomitante de politiques agricoles d’industrialisation de la production et d’aménagement des territoires ruraux.
20 04 • Arbres avec exemples de pièces de bois pour la charpenterie navale.© sabine mirlesse
Légende cloche 19 0419 04 | Légende cloche —Il existe une légende disant que possiblement des cloches d’églises auraient été cachées dans la SOURCE pour les empêcher d’être refondues en armement à la Révolution. Cette source est une résurgence d’eaux profondes dans le marais : le fond, celui que l’on voit, n'est pas solide. C’est une sorte de limon de terre, de minéraux, de feuilles en décomposition. Un objet lourd posé dedans doit probablement y disparaître. Mais les cloches y ont-elles seulement été posées ? B.H.
19 04 • La source du marais des Arques© sabine mirlesse
“Here are your waters and your watering place, Drink and be whole again beyond confusion.” R. Frost
17 04 • Danh Vo, Tropæolum, Bourse du commerce«Quelque chose va.»
03 04 • Le Châtaignier et l’outilLe châtaignier, arbre emblème. Les altérites acides de la Bouriane supportent des sols favorables au châtaignier. Formant autrefois des grands vergers, sa culture a été progressivement abandonnée à partir du milieu du XIXe siècle en particulier en raison de l’encre, maladie cryptogamique qui a ravagé les plantations. Originaire d’Asie mineure, l’expansion du châtaignier a accompagné la conquête romaine antique. En Bouriane il s’est naturalisé dans les boisements au point de devenir l’essence emblématique du territoire.
Bouriane 03 0403 04 | Bouriane —« Les régions naturelles ou pays traditionnels sont, en France, des territoires d'étendue limitée présentant des caractères physiques et une occupation humaine homogènes. Cette notion relativement floue limite la possibilité d'en établir une liste précise. Différentes entités, tout aussi pertinentes les unes que les autres mais avec des critères ou un point de vue différents, sont susceptibles de se chevaucher sur le même espace géographique. En 2000, Bénédicte et Jean-Jacques Fénié, dans leur Dictionnaire des pays et provinces de France, en dénombrent 546 [...] » (Wikipédia)
Le pays Bourian, dans lequel s'inscrit le petit village des Arques est défini par une région sablonneuse et collinaire couverte de forêt avec comme essence principale des châtaigniers.
Guy me dit aussi 03 0403 04 | Guy me dit aussi —« Je regarde si je vois quelque chose ici. »
03 04 • Promenade vers Ladoux« Là pour l’instant je ne vois rien. »
01 04 • Comment on cultive cannes et gourdinsDe l’action de celui qui ramasse ou brise la branche de l’arbre, est né le bâton. Ce morceau de bois ou d’os, cylindrique et allongé, n’est bâton que lorsque la main l’active, et cesse de l’être en même temps qu’il évolue.
Étrange objet que ce bâton, état intermédiaire entre la branche et l’objet spécialisé.
01 04 • Manche d‘outil, Jacquenet-MalinLe territoire n’est pas une donnée : il résulte de divers processus. D’une part, il se modifie spontanément : l’avancée ou le recul des forêts et des glaciers, l’extension ou l’assèchement des marécages, le comblement des lacs et la formation des deltas, l’érosion des plages et des falaises, l’apparition de cordons littoraux et de lagunes, les affaissements de vallées, les glissements de terrain, le surgissement ou le refroidissement de volcans, les tremblements de terre, tout témoigne d’une instabilité de la morphologie terrestre. De l’autre, il subit les interventions humaines : irrigation, construction de routes, de ponts, de digues, érection de barrages hydroélectriques, creusement de canaux, percement de tunnels, terrassements, défrichement, reboisement, amélioration des terres, et les actes mêmes les plus quotidiens de l’agriculture, font du territoire un espace sans cesse remodelé. Les déterminismes qui le transforment suivant leur propre logique (c’est-à-dire ceux qui relèvent de la géologie et de la météorologie) s’assimilent à des initiatives naturelles tandis que les actes de volonté qui visent à le modifier sont en outre capables de corriger en partie les conséquences de son activité. Mais la plupart des mouvements qui le travaillent — ainsi, les modifications climatiques — s’étalent sur un laps de temps tel qu’ils échappent à l’observation de l’individu, voire d’une génération, d’où le caractère d’immutabilité que connote ordinairement « la nature ». […] Mais il ne suffit pas d’affirmer, comme l’énumération de ces opérations le montre, que le territoire résulte d’un ensemble de processus plus ou moins coordonnés. Il ne se découpe pas seulement en un certain nombre de phénomènes dynamiques de type géoclimatique. Dès qu’une population l’occupe (que ce soit à travers un rapport léger, comme la cueillette, ou lourd, comme l’extraction minière), elle établit avec lui une relation qui relève de l’aménagement, voire de la planification, et l’on peut observer les effets réciproques de cette coexistence. En d’autres termes, le territoire fait l’objet d’une construction. C’est une sorte d’artefact. Dès lors, il constitue également un produit.
01 04 • Bois, bassin versant de la MasseAplatir : il n’y a rien que l’homme soit capable de vraiment dominer : tout est tout de suite trop grand ou trop petit pour lui, trop mélangé ou composé de couches successives qui dissimulent au regard ce qu’il voudrait observer. Si ! Pourtant, une chose et une seule se domine du regard : c’est une feuille de papier étalée sur une table ou punaisée sur un mur. L’histoire des sciences et des techniques est pour une large part celle des ruses permettant d’amener le monde sur cette surface de papier. Alors, oui, l’esprit le domine et le voit. Rien ne peut se cacher, s’obscurcir, se dissimuler.
01 04 • Remonter le bassin versant de la Masse à pied, des Arques à la source.Sa rivière coule déjà dans les canalisations de Los Angeles [...].
Réhabiter la CaliforniePeter Berg, Raymond Dasmann, Mathias Rollot01 0401 04 | Réhabiter la Californie — Peter Berg, Raymond Dasmann, Mathias RollotEntre les êtres vivants et les facteurs qui les influencent, il existe toutefois une résonance particulière, spécifique à chaque endroit de la planète. Découvrir et relever cette résonance est un moyen de décrire une biorégion. [...] Au sein de la biorégion se trouve un bassin-versant majeur [...] lire les différents systèmes hydrologiques aide à définir et caractériser la vie d’une même biorégion, de même que les caractéristiques des bassins-versants font apparaître les nécessités que ceux qui voudraient vivre in situ doivent s’employer à reconnaître. Les bassins-versants naturels pourraient être reconnus comme les éléments autour desquels les communautés s’organisent en premier lieu. Le réseau des sources, des ruisseaux et des rivières s’écoulant dans une zone spécifique exerce une influence de premier ordre sur toute vie non humaine à un endroit donné ; c’est l’empreinte la plus fondamentale de toute vie locale.
29 03 • 5-1 BancsLa vie n’est pas une promenade à travers champs — Dicton russe
L’étagère d’un champ, vert, à faible distance, son herbe encore rare tapissée d’un papier de ciel bleu où du jaune a poussé de sorte à créer un vert parfait, la couleur à la surface de ce que contient la cuvette du monde, champ attentionné, étagère entre ciel et mer, frangé d'un rideau d'arbres imprimés, ftiable en ses bords, aux coins arrondis, répondant au soleil par la chaleur de son sol, étagère au mur derrière lequel on entend parfois un coucou, étagère contre laquelle elle garde les bocaux invisibles et intangibles de son plaisir, champ que j’ai toujours connu, je suis allongé, appuyé sur un coude, et je me demande s’il existe une direction où mes yeux puissent voir plus loin que toi. Le fil de fer qui t’entoure est l’horizon. Rappelez-vous ce que vous ressentiez lorsqu’on vous chantait une berceuse. Si vous avez de la chance, le souvenir remontera moins loin qu’à l’enfance. Les lignes répétées des paroles et de la mélodie ressemblent à des sentiers. Ces sentiers décrivent des cercles, et les anneaux qu’ils forment s’entrelacent comme ceux d’une chaîne. Vous suivez ces sentiers qui vous font tourner en rond, et dont les boucles conduisent l’une à l’autre, toujours et toujours plus loin. Le champ sur lequel vous êtes en train de marcher et sur lequel est posée la chaîne est la chanson. Dans le silence qui par moments se faisait rugissant, dans le silence de mes pensées et de mes questions qui tournaient sens cesse autour de moi-même, constamment à la recherche d’une explication de ma vie et de son sens, dans ce petit moyeu concentré de bruit dense et silencieux, retentit soudain d’une basse-cour voisine le caquet d’une poule ; et, à ce moment-là ce caquet précis, son existence distincte et nette sous le ciel bleu parsemé de nuages blancs, m’a donné un intense sentiment de liberté. Le bruit de la poule, même si je ne la voyais pas, constituait un événement (comme un chien en train de courir ou un artichaut en train de fleurir) dans un champ qui avait été jusque-là en attente d’un premier événement pour pouvoir se réaliser lui-même. Je savais que dans ce champ je pouvais écouter tous les sons, toutes les musiques. Depuis le centre-ville, il y a deux chemins possibles pour rentrer à la cité-satellite où j’habite: la route principale, avec beaucoup de circulation, et une petite route parallèle, qui traverse un chemin de fer. La seconde est plus rapide, à moins que vous n’ayez à attendre au passage à niveau. Au printemps et en été, j’emprunte invariablement la petite route de traverse, etje me susprends à espérer que les barrières du Passage à niveau seront baissées. A l’angle, entre les voies ferrées et la route, il y a un champ, bordé d’arbres des deux autres côtés. L’herbe est haute dans ce champ, et le soir, quand le jour tombe, le vert de l’herbe se divise en grains de couleur clairs et foncés comme un bouquet de persil qu’on éclairerait, la nuit, à la lumière d’une forte lampe. Des pies se cachent dans l’herbe, ou s’en envolent. Leurs allées et venues ne sont en rien affectées par celles des trains. Ce champ me procure beaucoup de plaisir. Pourquoi alors ne vais-je pas m’y promener — il n’est pas loin de chez moi — au lieu de compter sur la fermeture du passage à niveau pour rester bloqué là ? C’est une question de conjonction de hasards. Les événements qui se produisent dans le champ — deux oiseaux se pourchassant, un nuage oblitérant le soleil et altérant la couleur du vert — Prennent une signification spéciale du fait qu’ils ont lieu pendant une minute ou deux alors que je suis obligé d’attendre. C’est comme si ces minutes remplissaient une aire du temps qui correspond exactement à l’aire spatiale du champ. Espace et temps se rencontrent.
L’expérience que j’essaie de décrire par timides approches successives est très précise, et immédiatement reconnaissable. Mais elle se situe à un niveau de perception et de sensation probablement pré-verbal — d’où la difficulté, la véritable difficulté à l’exprimer par des mots. Cette expérience doit sans aucun doute avoir une histoire psychologique, prenant racine dans l’enfance, et pouvant s’expliquer en termes psychanalytiques. Mais les explications de ce type, faute de généraliser l’expérience, ne font que la systématiser. Or, sous une forme ou une autre, cette expérience est, je crois, commune à tout le monde. Si l’on n’y fait guère allusion c’est qu’elle ne porte pas de nom. Je vais tâcher maintenant de décrire point par point, comme s’il s’agissait de tracer un diagramme, cette expérience en son mode idéal. Quelles sont les choses les plus simples que l’on puisse dire à son sujet ? l’expérience concerne un champ. Pas nécessairement le même à chaque fois. N’importe quel champ, à condition qu’il soit perçu d’une certaine façon, peut susciter cette expérience mais le champ idéal, le champ le plus susceptible de la générer est:
- Un champ recouvert d’herbe. Pourquoi ? Ce doit être un terrain pourvu de limites visibles quoique pas forcément régulières; il ne peut pas s’agir d’un fragment illimité de nature, dont les seules frontières seraient fixées par la portée naturelle de l’œil. Cependant, à l’intérieur de ce terrain, il doit régner un minimum possible d’ordre, et un minimum d’événements planifiés. Ni récoltes, ni rangées d’arbres fruitiers ne font idéalement l’affaire.
- Un champ sur une colline, vu soit d’en-haut, comme le dessus d’une table, soit d’en-bas, avec la pente de la colline paraissant incliner le champ vers vous — comme une partition musicale posée sur un lutrin. Là encore, pourquoi ? Parce que les effets de la perspective se trouvent alors réduits au minimum et que le rapport entre ce qui est distant et ce qui est proche devient Plus égal.
- Pas un champ en hiver. L’hiver est une saison d’inaction où l’éventail de ce qui peut arriver est restreint.
- Pas un champ entièrement borde de haies. De préférence, donc, un champ continental plutôt qu’anglais. Un champ entouré de haies, avec seulement une ou deux barrières qui s’y ouvrent, limite le nombre d’entrées et de sorties possibles (sauf pour les oiseaux).
Les prescriptions ci-dessus doivent suggérer deux choses. Le champ idéal possède en apparence certaines qualités communes avec:
a) un paysage peint — bords bien délimités, distance accessible, etc.
(Extrait de «Champ» (1971), Pourquoi regarder les animaux ?, éd. Héro limite, pp. 97-101. Trad. de Katia Berger Adreadis)
« Car ce n’est pas affaire de puissance, mais de vie, Notre désir : joie et convenance à la fois. »
15 02 • Carex — Espaces Naturels Sensibles de la vallée de la masseDétail d’une planche du Cours d’hippologie de Dubroca, 1844.
1: Laiche ou Carex, 2: Stipe empennée, 3: Souchet Brun, 4: Choin 5: Epilobe
Dans le marais des Arques, ressemblant à d’étranges têtes chevelues, la Laîche paniculée forme de grandes touffes dressées. Appelées touradons, elles résultent de la persistance des feuilles basales de la plante s’accumulant le long de la souche. La végétation du marais est une cariçaie.
12 02 • Le ciel de la chapelle St André« Un champ, si fertile soit-il, ne peut être productif sans culture – sine cultura –, et c’est la même chôse pour l’âme sans enseignement – sine doctrina. »
27 01 • La zone humide et le vallon de la MasseInterrogé en 1961 par le producteur et réalisateur de la série « L’Art et les hommes » Jean-Marie Drot, le sculpteur Ossip Zadkine, qui avait découvert les Arques en 1934, eut cette réflexion mystérieuse et prémonitoire : « J’aime ce village quoiqu’il se meure, mais quelque chose ici va venir, je ne sais pas quoi, bien sûr pas du pétrole, quelque chose de différent, mais quelque chose viendra… ».
Près de 90 ans après l’arrivée de Zadkine aux Arques et 35 ans après la création des Ateliers, je propose de repartir de l’intuition que « quelque chose ici va venir » — en prenant notamment à la lettre la boutade « pas de pétrole bien sûr ».
Avec cette idée que ce qui va venir ici, aux Arques, et qui commence à venir ici et là, dans les campagnes, dans les territoires ruraux, ce sont des tentatives de sortie de la société thermo-industrielle, des façons d’expérimenter un autre mode de vie que celui de l’extractivisme et de la croissance, de la consommation et du développement, en prenant la pleine mesure de ce qui est déjà là et dont nous avons perdu la conscience : que la terre où nous vivons est la terre dont nous vivons. Que le lieu est la ressource.
Ce que nous dit Zadkine, c’est qu’il y aurait, d’un côté, quelque chose qui serait meurtri, qui serait parti ; et de l’autre, persistante, étayée sur un fort potentiel de ressources, la sensation que quelque chose de vif est à venir.
Ce mouvement, de balancement ou de tension, est plus généralement celui des territoires ruraux, qui connaissent à la fois des dynamiques de déprise et d’exode toujours à l’œuvre, et une nouvelle attractivité que la crise sanitaire a accentuée et qui s’accompagne d’expérimentations de plus en plus nombreuses.
Cette attractivité repose sur une réalité. Il y a aux Arques et dans les territoires ruraux des matériaux, des savoirs faire, des filières, des réseaux, des outils qui gagnent à être activés ou réactivés, non pas dans une logique de fermeture sur le local, de repli sur soi, mais au contraire d’expression d’un potentiel, de fertilisation et d’ouverture d’un territoire.
La résidence s’attachera ainsi à révéler le potentiel du lieu, c’est-à-dire le potentiel de la ressource, et plus précisément de la diversité des ressources ; à inventer une approche inclusive, généreuse, susceptible de composer avec les formes de vie aussi bien que les formes non-vivantes — infrastructures, matériaux — qui font l’originalité du territoire, et de faire trace.
Parce que la ressource est plurielle, le groupe des 5 résident·es invité·es l’est aussi. Ne se limitant pas au seul champ de l’art contemporain, il intègre la pratique du design, et plus largement les arts du faire et de la parole, du poème et du récit — pour esquisser de nouvelles façons de résider, c’est-à-dire d’habiter le monde.
01 01 • Les Ateliers des Arques — Édition 2023+ d'objets